Avez-vous déjà entendu parler d’appropriation culturelle ? On en parle beaucoup sur les réseaux sociaux, mais réalise-t-on vraiment ce que c’est ? On peut en trouver des exemples très parlants lorsqu’on s’intéresse à la sphère spirituelle actuellement en vogue sur instagram. Depuis l’épidémie de Covid 19, celle-ci a connu un boost d’intérêt de la part de beaucoup de gens. Aujourd’hui, presque tout le monde sait qu’une maison infestée de mauvaises énergies peut être nettoyée avec de la sauge blanche, ou purifiée avec du Palo santo ! Et l’avantage, c’est que s’en procurer est extrêmement simple : de très nombreuses boutiques en vendent, en ligne par exemple.
Ce qui est moins connu, c’est l’origine de ces végétaux sacrés. Très largement popularisés, la sauge blanche et le palo santo sont effectivement efficaces. Mais la très forte demande a créé une forme de consumérisme spirituel, qui impacte les populations qui usent de ces plantes pour leurs rituels traditionnels. A un tel point, qu’on peut déjà parler de désastre écologique. Quelles sont les origines de la sauge blanche et du palo santo ? Comment peut-on définir le consumérisme spirituel ? Quelles sont les plantes équivalentes en Europe ? Je vous raconte tout dans cet article…
D’où viennent le Palo Santo et la Sauge blanche ?
Les origines et pratiques dont sont issues le Palo Santo et la Sauge Blanche
Avec la période du covid, la pratique du smudging s’est démocratisée, à un tel point qu’on trouve aujourd’hui très facilement la sauge blanche et le palo santo en ligne. Mais sait-on d’où ils viennent, et de quelles cultures ils sont issus ? Avant d’aborder le sujet du consumérisme spirituel, il est nécessaire de répondre à ces questions.

- Le Palo Santo est un arbre sauvage d’Amérique du Sud (Mexique, Pérou, Costa Rica, Guatemala…). Aussi appelé Bursea graveolens, il a une durée de vie comprise entre cinquante et soixante-dix ans. A sa mort, les peuples autochtones récolent son essence, pour l’utiliser dans des rites impliquant des pratiques de fumigation. Ces communautés font récolter le bois mort par un chaman, pour préserver le caractère sacré de son essence, en même temps que l’environnement du Palo Santo. En effet, on trouve cet arbre en forêt tropicale sèche, un écosystème fragile et menacé par le réchauffement climatique.
- La Sauge blanche est une plante sacrée que l’on trouve dans certaines régions du Nord du Mexique et du Sud de la Californie. La salvia apiana est utilisée notamment par les Premières Nations d’Amérique du nord pour des rituels de purification. Ces derniers consistent à utiliser la fumée sacrée, afin de nettoyer une personne ou un lieu d’éventuelles énergies négatives. Cette pratique s’appelle le smudging (purification par la fumée) et est issue des traditions amérindiennes. Les peuples autochtones d’Amérique du nord ont un lien particulier avec la sauge blanche. Lorsqu’ils la prélèvent, ils veillent à laisser la racine intacte, et récitent une prière de gratitude. Cette relation spirituelle est profondément liée à leurs traditions, basées sur le respect de la nature.
La période du covid a installé chez beaucoup d’entre nous un besoin de prendre soin de soi, et évoluer sur son chemin personnel. La crise que nous traversons à l’échelle mondiale a créé un besoin de retrouver du sens à nos existences, et c’est tout à fait compréhensible. Mais les réseaux sociaux ont rendu tout plus facile, plus rapide, plus simple. Les consommateurs de contenu spirituel, pour la plupart, ne se renseignent pas sur l’origine des végétaux, des pratiques qui leur sont liées, des cultures concernées. Et la demande explosant, les conséquences se sont installées.
Le consumérisme spirituel et la crise écologique
Spiritualité et dérèglement climatique

Aujourd’hui, il suffit d’une simple recherche sur Amazon ou Etsy pour acheter du palo santo ou de la sauge blanche. Et la très forte demande a déjà un impact sur l’environnement du Palo Santo : pour augmenter la productivité, les fournisseurs ont favorisé des modes d’approvisionnement non durables, qui sont préjudiciables pour l’environnement où vivent les populations locales et pour l’écosystème dont dépend le Bursea graveolens. Ces entreprises participent à la destruction d’un équilibre délicat, fragilisé déjà par les feux de forêt devenus récurrents. Cette surexploitation raréfie l’encens sacré, et la sauge blanche est victime du même problème. La fragilité des écosystèmes et leur exploitation à outrance est nocive pour la durabilité de la salvia apiana. Aujourd’hui, les chamans amérindiens peinent de plus en plus à se procurer leur plante sacrée, pourtant essentielle à leurs cérémonies traditionnelles. Difficile d’imaginer que le monde de la spiritualité moderne puisse avoir ce genre de conséquences ? Et pourtant, elles sont bien réelles. La commercialisation de produits spirituels a des conséquences bien réelles. Nos actes ont toujours des conséquences, qu’il s’agisse de spiritualité ou pas.
Spiritualité et société de consommation
De nos jours, la spiritualité new age s’est adaptée à la société de consommation, et la rapidité inhérente aux réseaux sociaux. Beaucoup de praticiens ont émergé avec cette période du covid, et se sont construit un business du bien-être dans cette sphère. Malheureusement, force est de constater que beaucoup d’entre eux vendent une vision de la spiritualité comme quelque chose de consommable.
- Kits de rituels,
- Soins énergétiques en 1mn en réel,
- Formations diverses à des prix exorbitants,
- Tests pour savoir si l’on peut devenir chaman en quelques instants…
Sur internet, on nous vend une vision de la spiritualité consommable, facile, on nous propose du prêt-à-ritualiser qui nous évite une sacrée perte de temps. Exit la nuit noire de l’âme, la guérison des traumas, les recherches et apprentissages de rites, cultures et contextes liés à un végétal ou un produit miracle. La sauge est représentative de cet état de fait : lorsqu’on l’achète, c’est pour une purification instantanée. On cherche une solution toute trouvée à un problème, un lien facile avec l’invisible, en évitant tout rite compliqué qui nécessitent pour certains d’être initiés à certaines religions et croyances spécifiques.
Spiritualité et appropriation culturelle
Quand on y pense, ce consumérisme spirituel se rapproche de l’appropriation culturelle : cette approche à la carte nous offre les bienfaits d’une pratique, d’une plante, d’un artefact spirituel sans nous permettre d’accéder à l’éducation spirituelle nécessaire au respect des cultures qui leur sont liées. Pour embrasser une tradition, il est important d’en saisir l’essence, car les conséquences peuvent être multiples. On peut prendre en exemple le tourisme spirituel qui s’est développé autour de l’ayahuasca. Cette pratique consiste à consommer une préparation aux propriétés hallucinogènes. Guidés par un chaman, les participants font alors un voyage qui a valeur d’expérience initiatique. Malheureusement, de plus en plus d’organismes proposent des retraites, qui sont pour certaines mal préparées. En conséquence, des décès ont eu lieu lors des voyages hallucinogènes, qui auraient pu être évités si la cérémonie avait été dirigée par un véritable chaman expérimenté.
Spiritualité et éthique

Ces peuples autochtones ont pourtant une leçon à nous transmettre : nous avons une responsabilité collective pour préserver la nature. Toutes les premières nations ont fait de cette philosophie une valeur primordiale. Les occidentaux peuvent, eux aussi, pratiquer en conscience. Il existe par exemple des fournisseurs de sauge éthiques, ou des producteurs locaux qui font pousser de la sauge blanche. Si on ne veut pas se passer de sauge blanche, alors posons-nous la question : la production est-elle raisonnée ? Respecte-t-elle l’environnement et les populations locales ? Il existe des producteurs durables, si on ne veut pas se passer de salvia.
Ensuite, il est facile aujourd’hui de se renseigner aussi sur les pratiques spirituelles de nos ancêtres. Un grand nombre de cultures comportent des pratiques similaires au smudging, et à ce titre, pourquoi ne pas remplacer le palo santo et la sauge blanche par des fumigations de romarin, laurier ou lavande ?
La notion de consumérisme est difficile à concevoir dans la sphère spirituelle, n’est-ce pas ? Et pourtant ! La sauge et le palo santo sont sacrés pour leurs communautés autochtones d’origines, mais les croyances new age modernes en ont fait des piliers de diverses pratiques, induisant une demande croissante en Occident notamment. Cette frénésie d’achat et de production est devenue tellement oppressante qu’elle nuit désormais à l’habitat naturel de ces végétaux, et aux pratiques traditionnelles des chamans qui travaillent avec elles depuis des siècles et des siècles.
C’est ici qu’à mon sens, on peut parler d’appropriation culturelle. Un grand nombre de cultures dans le monde travaillent avec d’autres plantes, qui présentent des propriétés similaires au palo santo et la sauge blanche. Et si on choisissait de cueillir du romarin ou du laurier pour nettoyer les énergies stagnantes de la maison ? En faisant ce choix, on respecte les populations autochtones tout en faisant un geste considérable pour l’environnement au passage. N’est-ce pas paradoxal de souhaiter agir avec de bonnes intentions sur les énergies du monde, avec de l’encens qui a fait trois fois le tour du monde en avion pour nous être livré ?
Connaissiez-vous la sauge blanche et le palo santo ? Ces végétaux ont-ils un lien avec vos croyances personnelles, ou les avez-vous déjà utilisés pour une raison quelconque ? Racontez-le moi en commentaire !



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