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Le Famadihana à Madagascar : quand la mort est une fête 

4–6 minutes

La cérémonie traditionnelle du Famadihana à Madagascar, ou célébrer l’attachement à sa terre par l’ancestralisation

La mort fait partie de la vie, et elle constitue un vaste sujet. Il suffit de considérer le nombre colossal d’écrivains, d’artistes, de peintres et autres poètes qui ont partagé leur sentiment face à l’éphémère, tout au long de l’histoire humaine. Pourquoi la mort ? Pourquoi meurt-on ? A quoi bon exister si l’existence a une fin ? Sans trouver une réponse à ces questionnements, une chose est sûre : notre rapport à la fin de vie raconte beaucoup de nous. Elle est le catalyseur de nos failles, nos angoisses, notre intimité. Et si elle est devenue taboue dans nos sociétés occidentales, elle n’est pas traitée de la même manière selon les cultures… 

Pourquoi ne pas faire de la mort une fête ? Un hommage ? Un honneur ? Selon les traditions, le défunt n’est pas exclu de la vie familiale. On le veille, on le lave, on le célèbre, on lui dédie des fêtes… La mort fait partie de la vie, pourquoi en avoir peur ? Pour nourrir nos réflexions sur le sujet, je vous propose un tour du monde des traditions liées à la mort. Pour commencer, découvrons la cérémonie du Famadihana à Madagascar…

culture malgache

Le Famadihana à Madagascar : c’est quoi ?

Tout d’abord, il est difficile de traduire le terme Famadihana en français, car il n’existe pas d’équivalent. On a tendance à parler de “retournement des morts” (ce qui est inexact), d’exhumation ou de ré-enveloppement de squelettes (ce qui est insuffisant), ou encore d’une fête traditionnelle consistant à danser avec les morts (ce qui est plus juste).

Le Famadihana est une cérémonie qui se déroule après les funérailles d’un défunt, tous les 5 à 7 ans. La date exacte est déterminée par le mpanandro (docteur traditionnel) et a toujours lieu lors de la saison sèche. Elle consiste à exhumer le corps lors d’une grande fête, et célébrer la dépouille au moyen de danses, chants collectifs et festins arrosés au cours desquelles on va effectivement renouveler le linceul du défunt avant de le remettre en terre. Les festivités se déroulent sur plusieurs jours (au minimum 2), comme suit :

  • Andro fidirana, le 1er jour : on tue un ou plusieurs zébus pour les manger, et on prépare le festin qui sera servi aux invités. Lors de ce jour, les réjouissances commencent avec de la musique. 
  • Famokarana, le 2e jour : La famille du défunt et les invités sont conviés à un grand repas. Lorsqu’on a fini de manger, chacun se dirige vers la piste de danse. On mange et on boit beaucoup lors du Famadihana. L’après-midi, tous les participants sont invités à se rendre au tombeau familial, au cours de grandes processions accompagnées en musique. C’est un grand moment de réjouissances, où les présents en profitent pour régler leurs conflits, surtout la famille concernée. Le Famadihana est un moment d’unité de la famille “dans la vie comme dans la mort”, et plus largement de consolidation du lien social dans la communuauté. Une fois rendus à la sépulture, on exhume le ou les corps, et on l’enveloppe de nouveau en petits groupes. S’ensuivra une nouvelle procession, des chants et des danses, avant de ramener les corps à leur tombeau par ordre d’aînesse. 

Un aspect très important du Famadihana est la joie qui accompagne le rituel. C’est un moment où on transforme la tristesse du deuil en joie, tout en honorant ses défunts. Cette fête était à l’origine plutôt pratiquée par les habitants des hauts plateaux de Madagascar, mais a été reprise par toute la population aujourd’hui. Elle est vécue comme un moment d’exaltation, au cours duquel on va accompagner le défunt dans son processus d’ancestralisation. Selon les croyances malgaches, le mâne d’un mort ne va pas directement se rendre dans l’autre monde. Il doit être honoré par une série de cérémonies qui lui permettront de s’élever. La tradition du Famadihana a pris une autre dimension, avec les profondes cicatrices laissées par l’esclavage. 

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Crédit photo : MPMF24 – Wikipedia

Les origines de cette célébration traditionnelle

La tradition du Famadihana date du XVIIe siècle. Entre 1745 et 1810, lors de la quête d’unification des royaumes de Madagascar par Andrianampoinimerina, beaucoup de soldats Merina sont morts au front. Le roi, attristé de savoir que tant de morts allaient être enterrés loin de leur terre, proposa la construction de tombeaux familiaux avant d’ordonner le rapatriement des corps. Le lien à la terre, dans la culture malgache, est une finalité essentielle pour entrer au ciel. Le Famadihana est devenu une tradition sous le règne du fils d’Andrianampoinimerina, Radama 1er. Entre 1793 et 1828, elle a commencé en Imerina avant d’être adoptée par tout le royaume unifié.

La symbolique de cette cérémonie est donc très forte. Elle marque le lien à la terre, et la construction d’un passé qui sera ciment du futur de la communauté. La population meurtrie par l’esclavage s’est reconstruite une identité, une histoire. Malgré l’invasion du royaume par la France en 1896, le peuple honore cette tradition. Les ancêtres font la fierté des enfants et petits enfants, qui les célèbrent régulièrement. Le Famadihana, c’est l’image de ce lien à la terre reconstruit, de cette fierté qui marque la création de lignages, dont les ancêtres sont les fondateurs.

Aujourd’hui, la tradition du Famadihana se perd quelque peu, pour plusieurs raisons. Une partie de la population malgache est chrétienne, et une telle pratique s’adapte mal au dogme de l’église. Enfin, le contexte économique rend difficile le financement de cette cérémonie pour beaucoup de familles.

Malgré tout, cette tradition nous montre que la culture malgache embrasse la question de la mort à bras-le-corps, littéralement. Elle fait en effet partie intégrante du cycle de notre existence : Si le début d’une vie est célébrée, pourquoi pas la fin ? L’occident a peut-être un peu trop tendance à oublier ses ancêtres, et considérer le décès comme un tabou. Car les malgaches ne sont pas les seuls à honorer les morts d’une manière différente… Prêts à continuer le voyage ?  

La mort et l’insolite vous intéressent ? Découvrez cet article sur l’ossuaire de Sedlec en République tchèque !

2 réponses à « Le Famadihana à Madagascar : quand la mort est une fête  »

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