vodou ou vaudou

Vodou ou vaudou : une histoire spirituelle indissociable de l’esclavage

8–12 minutes

Vodoun, vaudou, voodoo ou hoodoo : peut-on définir cette famille spirituelle sans parler de l’esclavage ? 

Cet article a été rédigé en collaboration avec Karim, aka Izakeh ou Pardon my french Nola sur les réseaux. Merci infiniment pour ta gentillesse, ta bienveillance et le temps passé à partager ton expérience de l’histoire du vaudou ! 🙂

Qu’est-ce que le vaudou ? Lorsqu’on commence à faire des recherches sur le sujet, plus de questions émergent que de réponses. Ecrit-on vodun, voodoo, hoodoo ou vaudou ? Quelle est la différence avec le vaudou haïtien ? Pourquoi le vaudou est-il pratiqué en Louisiane ? En quoi croient les vaudouisants ? Pourquoi raconte-t-on que c’est de la magie noire ? Il existe très peu de sources qui ne fasse pas montre d’une certaine confusion sur cette foi.

Une chose est sûre, le Bénin est la patrie originelle du vaudou. Mais s’il est aussi difficile de définir le vaudou sans se perdre, c’est parce que cette famille spirituelle ne peut pas être définie sans parler de son histoire. Car oui, il existe une différence entre vodou ou vaudou, voodoo, vodun ou encore hoodoo. Et elle tient en un mot : esclavage. Le fil conducteur est là. La religion originelle béninoise, elle s’est déchirée puis reconstruite avec l’exil, le travail forcé, la colonisation et le métissage culturel. Et la réalité est bien plus complexe que l’image malsaine que la plupart des gens ont de cette religion.

Dans cet article, je vous propose une autre histoire du vaudou. Une histoire qui a évolué entre les continents et les cultures, malgré les privations et l’oppression coloniale, loin des clichés et des idées préconçues.

NB : je ne prétends pas me poser en spécialiste du sujet, ni détentrice de la vérité exacte sur l’histoire du vaudou. Il existe des versions de l’histoire qui diffèrent selon les pratiquants des différentes branches de la religion vodun. Dans cet article, mon souhait est de présenter un autre visage de cette famille spirituelle, afin de mieux la comprendre et dépasser les clichés qui lui sont habituellement liés.

L’esclavage et les traites négrières : ne pas oublier l’histoire

vodou ou vaudou

Puisque le vaudou est indissociable de l’histoire de l’esclavage et des traites négrières, il est important de faire un rappel historique. Ces termes désignent le commerce d’esclaves issus de divers pays d’Afrique, et qui a fait des dizaines de millions de victimes. On différencie trois types de traite : orientale, intra-africaine et occidentale. C’est le plus souvent de la dernière dont on parle, lorsqu’on mentionne l’esclavage.

La traite occidentale, aussi nommée commerce triangulaire (départs pour l’Afrique, puis l’Amérique et retour en Europe) ou traite en droiture (allers-retours Amérique-Afrique), consistait en le kidnapping d’hommes, femmes et enfants africains afin de les revendre comme main-d’oeuvre gratuite dans les plantations des colonies américaines. Les navires quittaient l’Europe pour se procurer des esclaves contre des étoffes ou des armes. Ils enchaînaient parfois plusieurs centaines de personnes dans un espace très restreint pour gagner de la place, et partaient pour plusieurs mois de voyage vers les Amériques dans des conditions atroces : manque de place, d’air, entraves, privations… Les hommes et femmes encore vivants à l’arrivée étaient alors échangés contre des denrées issues des colonies : sucre de canne, café, cacao, coton, tabac…), puis les bateaux repartaient pour l’Europe.

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Plan de « stockage » du navire négrier anglais Brookes, incluant le placement des déportés africains.

Ce commerce d’êtres humains a duré près de deux siècles, a fait des dizaines de millions de victimes et installé le partage de l’Afrique entre plusieurs colonies que les pays européens se sont partagés. Les principaux pays responsables sont le Portugal, l’Espagne, l’Angleterre et la France. Il est difficile d’estimer un nombre exact de victimes : les africains étant considérés comme des marchandises, les “pertes” n’étaient pas forcément comptabilisées, que ce soit lors du rapt et de la vente dans leur pays d’origine, ou lors de la traversée de l’Atlantique. Le commerce d’esclaves a été interdit, puis a connu une période de traite clandestine. On estime qu’il faut attendre la convention de Bruxelles en 1890 pour que l’esclavagisme soit totalement aboli.

Qu’est ce que l’animisme ?

L’animisme est un système de croyance très ancien, qui date d’avant l’arrivée du christianisme. Tous les pays dans le monde ont déjà connu des croyances basées sur cette même philosophie religieuse, et l’Afrique ne fait pas exception. Pour comprendre l’essence du vodun, il faut avoir une idée de ce qu’est un système de pensée animiste. 

Pour généraliser, les animistes croient en un esprit qui habite toute chose. Ainsi, leurs croyances déifient la nature et ils estiment que son esprit habite chaque élément qui la compose : pierres, animaux, vent, humains… Ils croient aussi en l’existence d’entités qui font elles aussi partie du monde, mais de manière intangible. Elles peuvent avoir une influence bénéfique ou mauvaise sur les humains et la nature : ainsi, ils possèdent un panthéon de dieux qui ont chacun leur rôle, et honorent leurs ancêtres sous la forme d’esprits.

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Le culte animiste vise à honorer une entité pour demander une faveur, de l’aide ou de la protection par exemple. Quant à la nature sous forme divine, elle est honorée au quotidien pour maintenir l’équilibre entre chaque élément qui la compose, équilibre sans lequel le monde ne marcherait pas.

On peut définir le vodun béninois de cette manière, en généralisant très largement. Le vodun originel ne peut pourtant pas être considéré comme une religion en tant que telle, puisqu’il n’existait pas de dogme au sens judéo-chrétien du terme. Il s’agissait plutôt d’un système de pensée vouant à déifier la nature, et à la respecter au quotidien.

Au départ du Bénin, du vodun béninois au vaudou haïtien

C’est ainsi que commence notre histoire, enfin. Les béninois sont à l’origine des croyances vaudou, avec ce système de pensée animiste qui déifiait la nature. L’orthographe originelle est donc vodun. Les béninois de l’époque suivaient un mode de vie qui était voué à respecter la nature, qui était sacralisée en tant qu’entité : l’être humain lui est redevable puisqu’elle lui offre tout ce dont il a besoin pour subsister, il doit donc honorer et prendre soin de la nature.

Nous sommes au XVIe siècle. Lorsque l’esclavage occidental commence, les béninois sont capturés pour partir en Haïti pour la plupart. Après la traversée meurtrière de l’Atlantique, ils côtoient sur place des communautés congolaises et sénégalaises, mais constituent la majorité des déportés d’origine africaine. Les plantations s’installent, et la vie est difficile pour les colons comme les esclaves. Pour donner un semblant de “cadre juridique” (entendre contrôle établi plus efficacement sur les esclaves), le Code Noir ou édit royal de mars 1685 est rédigé. Entre autres choses, il donne notamment un semblant de fausse liberté aux esclaves : celui d’avoir une religion. En réalité, le but est de déshumaniser les exilés : en perdant leur culture, leur identité et leurs croyances, en s’assimilant à la culture de leurs oppresseurs, ils étaient censés devenir les biens matériels que leurs bourreaux voulaient qu’ils soient.

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Un grand « drapo » vaudou à paillettes de l’artiste haïtien George Valris, représentant un vévé, le symbole du loa Loko Atison. – Crédit photo : Sam Fentress

Les déportés africains doivent donc se convertir au catholicisme, et peuvent se marier ou avoir une sépulture décente s’ils ont reçu le baptême. Ils ont interdiction de pratiquer une autre religion que celle du christianisme, et notamment le vodun. Une partie des victimes de la traite négrière va se convertir, mais une autre partie va faire perdurer leur culture religieuse béninoise en secret. Et c’est ainsi que naît le vaudou haïtien. A une époque où les béninois ne pouvaient pratiquer leurs croyances librement, où l’esclavage les avaient arrachés à leur terre natale. C’est de cette période qu’est issue l’idée que le vaudou est assimilable de la magie noire : ce cliché date du XVIIe siècle et a été répandu par les colons pour présenter une image malfaisante de la spiritualité vodun, afin de discréditer et détruire les cultures de leurs esclaves.

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L’ Affaire de Bizoton de 1864. Le meurtre et la prétendue cannibalisation du corps d’une femme par 8 adeptes vaudous ont fait scandale dans le monde. L’affaire a été considérée comme une preuve de la nature perverse du vaudou.

Une forme de syncrétisme commence donc à se développer entre les croyances des haïtiens et la spiritualité vodun. La spiritualité vaudou émerge peu à peu, et se dote d’un panthéon divin, dont sont issus des noms comme Papa Legba ou Maman Brigitte. Il existe désormais une croyance aux esprits dont on peut demander l’intercession, des ancêtres qu’il faut honorer, et un code moral à respecter. Mais si cette spiritualité se codifie en Haïti, la nature reste la déité suprême. Les actions des fidèles doivent tendre à maintenir cet équilibre dont dépend toute chose, et s’élever eux-mêmes spirituellement afin de devenir meilleurs.

Du vaudou haïtien au melting-pot louisianais

Entre le 22 août et le 1er janvier 1804, les haïtiens se soulèvent et combattent pour leur liberté. On situe l’origine de cette révolte lors de la cérémonie vaudou du Bois-Caïman en août 1791, où des groupes d’esclaves décidèrent ensemble de se révolter contre la dureté de leurs conditions de vie. S’ensuivront 13 années de guerre d’indépendance, à l’issue desquelles les haïtiens obtiendront leur liberté, et le départ de quasiment tous les colons. En 1804, Haïti devient la première république noire indépendante.

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Bataille de la colline des palmiers.

Une fois la guerre terminée, une partie de la population envisage de partir, avant de réaliser que le retour au pays ne sera pas possible. Une partie de la communauté béninoise émigre vers la Louisiane, accompagnée des nouvelles générations nées en Haïti. Sur place, les anciens esclaves béninois rencontrent d’importantes communautés sénégalaises et congolaises, qui sont très nombreux à la Nouvelle Orléans. Ces derniers pratiquent une magie influencée par le vodun, dont le nom est hoodoo.

Le hoodoo déifie la nature de la même manière que le vaudou. Simplement, ses adeptes croient que chaque élément naturel possède des propriétés, qui peuvent avoir un effet sur le corps et l’esprit. Honorer la nature permet de bénéficier de ses richesses, sous la forme d’onguents, huiles et autres poudres aux propriétés merveilleuses.

Avec les années, la pratique du hoodoo s’harmonisera avec celle du vaudou : et c’est ainsi que le voodoo louisianais naîtra. Le voodoo est une religion, qui possède un dogme issu du catholicisme. On retrouve encore l’influence forcée des colons, et les baptêmes prévus par le code noir. Le voodoo est issu de la rencontre de cultures africaines dans l’exil, teintées d’influences forcées de christianisme.

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Crédit photo : Par Derek Blackadder — via Wikipedia

Lorsqu’on s’intéresse réellement au sujet, on ne peut définir le vaudou en une phrase. Il est peu aisé d’user des termes religion, spiritualité ou encore système de croyances pour le qualifier. Et s’il est si difficile faire cet exercice, c’est parce que le vaudou ne peut pas définir une simple religion, mais plutôt une famille spirituelle. Le vodun, vaudou, voodoo et hoodoo sont les branches d’un même arbre. Il a évolué, grandi au fil de migrations forcées, et du contexte historique qui leur est lié. 

Au delà des clichés que les occidentaux entretiennent sur le vaudou, la réalité est celle-ci : pour parler de ces croyances, on ne peut pas éviter de parler d’esclavage. Et c’est plutôt ça, le coeur du sujet. Le vaudou est représentatif de l’impact insondable, inqualifiable qu’a eu la traite négrière sur les populations africaines. C’est l’histoire d’une blessure si immense qu’elle ne peut être nommée encore aujourd’hui, d’une plaie si grande qu’elle est devenue une part de l’identité de nombreuses communautés d’Afrique et d’ailleurs. Et à ce titre, il faut qu’elle ne soit jamais minimisée, ni oubliée.

Pour retrouver Pardon my french nola sur les réseaux, c’est par ici

Si vous voulez en apprendre plus sur le Bénin, découvrez notre article sur les 5 lieux incontournables à visiter dans le pays !

Une réponse à « Vodou ou vaudou : une histoire spirituelle indissociable de l’esclavage »

  1. […] Tu veux en apprendre plus sur l’histoire du vaudou ? Un article complet est disponible sur le sujet ! […]

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